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Gilbert Gauthier, une vie à toutes jambes

Courir : l'ancien recordman de France du 20000 m et de l'heure n'avait que ça en tête. Le Rémois a fini par se poser dans les Ardennes.

Temps de lecture: 3 min

DEUX anecdotes témoignent de ce qu'est Gilbert Gauthier, l'homme, et de ce que fut le champion. La première est racontée par l'un de ses amis, Gérard Porrès : « Je l'ai pris un jour dans ma voiture à sa sortie du travail, chez Sarlino. Il était 13 heures. Le jour même à Saint-Maur, il battait le record de France du 20 000 m sous les yeux d'Alain Mimoun. Qui nous a d'ailleurs invités chez lui à Champigny-sur-Marne dans sa salle des trophées ».

La seconde est rapportée par Michel Bernard dans son livre : la Rage de vivre : « C'était aux championnats de France de cross. Je l'ai laissé passé devant moi afin qu'il soit qualifié pour le cross des Nations, qu'il terminera à la 3e place d'ailleurs », confie Gilbert Gauthier.

« Un mode de vie »

Cet athlétisme était celui d'une autre époque où « courir n'était pas travailler » : « Ça me fait sourire quand j'entends dire à des athlètes que pour eux s'entraîner, c'est aller travailler ».
« C'était un véritable mode de vie : courir, je ne voyais que ça ». La ration hebdomadaire ? 180 à 220 km.
Cette boulimie était assouvie sur tous les fronts, y compris celui des courses régionales : Sedan-Charleville, où le Rémois finit 2e derrière le double médaillé olympique de marathon, le Belge Karel Lismont, le Circuit des remparts de Laon ou le cross de La Neuville-au-Pont pour lequel il avait un attachement particulier.

Sans oublier les championnats régionaux (« 14 ou 15 titres ») et « même départementaux » : « A l'époque, la notion d'équipe était importante. Au Stade de Reims, Il y avait des militaires de la Base, des garçons comme Bourgery, Boussin, Jacquemin, Prévot… On ne se voit plus mais on reste en contact. Il existait une belle rivalité avec Charleville ».
Courir pour aller au boulot, le Rémois en avait pris, aussi, l'habitude, lui a qui a travaillé 9 ans dans les caves Pommery, 9 autres chez Sarlino avant de devenir concierge de groupes scolaires : « Cet emploi, c'était la récompense pour mes performances ».

Michel Jazy, Michel Bernard, Jean Wadoux « un charmant garçon », Noël Tijou, Guy Texereau : le fond français vivait son âge d'or quand Gilbert Gauthier rivalisait avec les meilleurs, ce qui ajoute à ses performances.
Plus de 40 ans après, trois de ses records figurent encore sur les tablettes de l'Efsra, l'émanation du Stade de Reims club où fut licencié Gilbert Gauthier durant toute sa carrière (*) : ceux du mile (4'10''5), du 10 000 m (28'52''2), de l'heure (19,882 km) et du 20 000 m (1h 00'2''2).

Un coin de pêche

Lorsque l'on ajoutera que le fondeur rémois a été international jusqu'à 37 ans et encore sacré champion de Champagne à 45 ans, on mesurera la stature du personnage.
Cet homme qui a marqué son époque a choisi de se retirer dans les Ardennes, à Senuc, où il avait l'habitude « plus jeune » d'assouvir son autre passion : la pêche.
Pas de portable, pas de journaux, juste la télé (« on en apprend déjà beaucoup ») et même plus de pêche depuis deux ans.

Deux ans aussi que Gilbert Gauthier n'assiste plus aux réunions des anciens internationaux : « J'ai 78 ans et je n'aime plus trop prendre la voiture. Je ne tiens pas à ce que l'on dise : il a provoqué un accident. A son âge… ».
« Je suis casanier. C'est un peu mon caractère. Avec André Byrame, on s'appelle une ou deux fois ». Sur ses six enfants et ses neuf petits enfants, aucun n'a été attiré par l'athlétisme, exceptée Sandrine, qui a été championne de Champagne de cross en benjamines mais qui n'a pas persévéré…
Gilbert Gauthier répète qu'il a « tourné la page ». S'il nous remercie de « penser à lui », il assure avec conviction qu'il faut vivre avec son temps : « Le sport a tellement changé. Il n'y a pas à être aigri, c'est la progression logique, le modernisme ».
Pas question de se plaindre d'un quelconque oubli : « Quand je courrais, il y avait eu des anciens avant moi et je n'ai pas cherché non plus à les voir. Je souhaite vraiment bonne chance et des médailles à ceux qui nous succèdent ».
(*) Gilbert Gauthier n'a été licencié qu'une saison à l'Efsra et n'a disputé que quelques courses sous ce nouveau maillot.